Apprendre à ne rien faire pour se connaître.
#20 ou pourquoi l'ennui n'est pas une mauvaise chose.
Lundi 17 juin 2024,
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Je suis dans la salle d’attente chez un médecin. Il y a trois autres patients avant moi et je sais que je vais devoir attendre — attendre dans cette salle et ne rien faire.
Instinctivement, je sors mon téléphone, je ne sais même pas où appuyer, sur quelle app cliquer ou quoi regarder. Je n’ai pas eu de messages ni d’appels et j’ai rendu mon téléphone tellement chiant que je n’ai aucun jeu. Mais alors pourquoi est-ce que je l’ai dans les mains ?
La raison est simple : je fuis l'ennui.
Comme la quasi-majorité des personnes de ma génération, je ne sais plus m’ennuyer. Nous sommes constamment dans l’attente de dopamine et de plaisir immédiat. Si bien qu’aujourd’hui une chute de la dopamine provoque un état de stress. Il nous faut de la dopamine encore et encore, comme une drogue. Le monde sous dopamine est devenu notre référentiel. Tout ce qui n’en procure pas, toutes les choses simples nous paraissent ennuyeuses.
La salle d’attente ? Téléphone.
Les transports en commun ? Téléphone.
Pire, la plupart des gens ne peuvent même plus aller aux toilettes sans leur téléphone.
C’est affreux l’ennui. Ça fait peur. Quand nous nous ennuyons, nous nous retrouvons seuls face à nos propres pensées, nos interrogations et nos doutes. Combler l’ennui et s’occuper l’esprit, c’est un moyen de fuir ces moments face à nous-mêmes.
Ces moments qui permettent de mieux nous comprendre, de savoir qui nous sommes.
Mais ce n’est pas sans conséquences. Nous perdons le contact avec nous-mêmes et avec ce que nous voulons dans notre vie. Notre créativité diminue parce que nous ne laissons pas le temps nécessaire à notre cerveau de l’être.
Depuis notre enfance, nous avons besoin de ces moments sans distraction. Gamins, nous avons tous fini par nous inventer des jeux et des histoires grâce à l’ennui. Nous ne savions pas quoi faire, nous tournions en rond puis une idée a jailli. Le cerveau n’aime pas rester sans rien faire et chercher un moyen de s’occuper de lui-même. C’est à ce moment-là que le meilleur surgit.
Newton a pensé aux prémisses de sa loi de l’attraction universelle pendant qu’il s’ennuyait, assis sous un arbre. Une pomme est tombée et son cerveau a fait le lien — faute de savoir comment se distraire.
De nombreux philosophes ont prôné les bienfaits de l’ennui dans leurs œuvres. Nietzsche était un fervent partisan de l’ennui. Il considérait l'ennui comme une "pause" dans les activités et les distractions habituelles de la vie, offrant ainsi un moment privilégié pour contempler, se remettre en question, et potentiellement trouver de nouvelles directions ou inspirations.
L’ennui n’est pas un manque d’activité. C’est une activité à part entière.
Merci de m’avoir lu,
Damien
Références :
Le Gai Savoir - Freidrich Nietzsche