La mémorisation n'est pas de l'apprentissage
#25 ou pourquoi le "par cœur" tue l'apprentissage
Lundi 24 juin 2024,
Nombre de lecteurs : 2217
![](https://substackcdn.com/image/fetch/w_1456,c_limit,f_auto,q_auto:good,fl_progressive:steep/https%3A%2F%2Fsubstack-post-media.s3.amazonaws.com%2Fpublic%2Fimages%2F20bc5b27-1420-4264-8755-77e3ff508f25_950x534.jpeg)
Apprendre par cœur. J’ai toujours halluciné devant cette obligation scolaire et les devoirs que nous donnaient les professeurs : « Pour lundi, vous apprendrez par cœur la poésie. » Mais pourquoi par cœur ? Certains diront que c’est pour travailler la mémoire.. ok, je peux le concevoir. Mais si c’est une corvée, l’enfant réussira peut-être à la mémoriser pour le lundi. Puis il l’oubliera le mardi. Quelle utilité ?
Le cerveau humain n’est pas fait pour apprendre par cœur. À quoi bon apprendre une poésie et réciter les vers si on ne comprend ce que l’on dit — parce qu’il est là le véritable problème dans l’apprentissage. Quand on apprend par cœur, on n’apprend pas, on mémorise. Apprendre, c’est assemblé des informations les unes avec les autres ; ce n’est pas savoir répéter les mots les uns après les autres, mais savoir les moduler pour expliquer ce que ça signifie.
Quelqu’un qui comprend une poésie dira du poème de Victor Hugo que le chant douloureux d’un père suite au décès de sa fille dans Demain dès l’aube.
Celui qui ne comprend pas dira « Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne, Je partirai…» et c’est tout. Il ne comprendra pas le sens profond et l’émotion. Même s’il la connaît par cœur.
Et c’est exactement la même chose pour nous, adulte. Nous essayons d’acquérir de nouvelles connaissances et nous contentons de mémoriser des définitions aussi inutiles les unes que les autres. C’est pour ça que, lors de la prise de notes pendant la lecture, il est impératif d’écrire ce que l’on comprend avec nos propres mots. L’écriture amène à la compréhension et la compréhension à l’apprentissage.
Dans une étude publiée dans un numéro du Stein et al. de 1984(1), il est pris pour exemple une leçon de médecine expliquée différemment : la première façon est d’être très théorique. Le professeur explique à ses élèves que les artères ont des parois épaisses, sont élastiques et n’ont pas de valves, mais que les veines ont des parois plus fines, sont moins élastiques et ont des valves — ce sont des informations brutes, sans véritables liens et nécessite un apprentissage par cœur.
La seconde méthode va s’appuyer sur la compréhension. Le professeur explique que les artères sont à la sortie du cœur et doivent supporter une pression importante. Par conséquent, elles ont besoin de s’étendre sans rompre et résister à cette pression par rapport aux veines qui amènent le sang au cœur et qui ont une pression inférieure à supporter.
Pendant cette étude, les élèves ayant suivi la seconde méthode ont pu majoritairement restituer leurs connaissances sans réciter le cours et expliquer la raison de ces caractéristiques. Ceux ayant suivi la première méthode ont récité le cours et n’ont pas su expliquer pourquoi il en était ainsi.
Mémoriser n’est pas apprendre. Apprendre, c’est comprendre et connecter les informations.
Merci de m’avoir lu,
Damien
Références :
(1) Stein, Barry S., Joan Littlefield, John D. Bransfort, and Martin Persampieri. 1984. "Elaboration and Knowledge Acquisition." Memory & Cognition 12
How To Take Smart Notes - Sönke Ahrens
Demain, dès l’aube - Victor Hugo