Vendredi 06 septembre 2024,
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Temps de lecture : 7 minutes
Cette édition est soutenue par KRISIS.
KRISIS., c'est le podcast qui te montre qu’une crise peut être une vraie opportunité d’avancer dans ta vie et de l’améliorer.
Dans chaque épisode, Clément Socchi reçoit une personnalité qui a su rebondir après une crise pour vivre une vie en accord avec ses rêves. Tu y trouveras des histoires incroyables et des témoignages qui te donneront envie d'agir à ton tour.
Tu peux écouter le podcast ici.
Merci à KRISIS. pour sa confiance et bonne lecture,
Si tu es développeur, l'Intelligence Artificiel va te prendre ton job. Si tu es rédacteur web, ce sera pareil, et ça sera la même chose pour une quantité impressionnante d'emploi. Nous voyons déjà certains postes disparaître dans le secteur du service client : les chatbots ont pris la place des téléconseillers, des IA sont capables de répondre à nos questions par téléphone, en imitant une voix humaine et en interagissant avec nous. Nous ne sommes qu'aux prémices d'un changement de paradigme pour l'espèce humaine. La majorité de nos emplois disparaîtront, c'est une certitude.
Mais je ne vais pas te dire que tu devrais t'inquiéter pour ton emploi ; non, je ne le ferai pas parce que je reste persuadé que la disparition de nos jobs peut être un bouleversement avantageux pour nous, une opportunité de développer nos potentiels.
Pourquoi avons-nous si peur que l'IA nous remplace ? J'admets que c'est une crainte que je n'ai jamais ressenti, mais lorsque j'en parle avec des freelances ou des salariés, nombreux sont ceux qui l'évoquent. Au fond, je crois qu'il y a plusieurs facteurs qui entrent en ligne de compte dans la naissance de cette peur. Déjà, il y a la peur de l'inconnu. L'homme craint l'homme lorsqu'il ne le connaît pas, alors nous nous doutons bien que l'avenir incertain, dans lequel nous plonge cette intelligence artificielle, provoque pour la plupart des crampes d'estomac. Ils préfèrent la critiquer plutôt que de réellement chercher à comprendre les enjeux sociétaux positifs et négatifs que ça comporte : ils ne voient qu'une seule face de la pièce.
Nous pouvons aussi mentionner la peur de la perte d'identité. Quand nous nous présentons à quelqu'un, nous mentionnons souvent notre métier. Notre job fait partie de nous. Nous l'avons intégré à notre être, à notre identité : nous sommes notre travail dès que celui-ci est un minimum valorisant — quand bien même il ne l'est pas, nous utilisons l'identité de l'entreprise pour qu'il le devienne. Dès lors qu'une nouveauté technologique arrive et est susceptible de prendre notre emploi – donc une part de nous-même – nous prenons peur et nous la rejetons.
Ces réactions sont normales et prouvent notre humanité. Si nous remontons le fil de l'histoire, nous pouvons trouver des périodes similaires. L'arrivée de la mécanisation des lignes de production a fait peur à des millions d'ouvriers et l'histoire leur a prouvé qu'ils avaient raison d'avoir peur dans un sens : des millions de postes ont été supprimés. Pourtant, dans un second temps, d'autres emplois ont aussi été créés pour s'occuper de la fabrication à la maintenance de ces machines. Il se passe exactement la même chose avec l'IA. Mais les postes qui sont supprimés sont des emplois où l'automatisation évite à l'être humain de faire des tâches récurrentes.
Néanmoins, il est évident qu'avec l'amélioration continue des technologies en matière de machine Learning et robotique, le futur décrit par des auteurs de science-fiction dans leurs livres est en passe de se concrétiser. Demain, des robots intelligents seront parmi nous. Des robots capables d'apprendre par eux-mêmes et d'exécuter des tâches de plus en plus complexes. Des robots capables de faire notre travail.
Mais alors, devrions-nous arrêter le progrès pour conserver nos emplois ? Que sommes-nous censés faire pour éviter ce drame ? Arrêtons nous deux minutes et prenons ce fait avec un autre point de vue : pourquoi travaillons-nous ?
Parce que dans le fond, ce n'est pas tant que l'IA nous prenne notre emploi qui nous dérange. Ce qui nous contrarie, c'est de nous demander ce que nous sommes réellement si nous ne sommes pas qu'un job. C'est de se demander ce que nous ferions si nous ne travaillons pas. Certes, un travail permet d'obtenir une rémunération, mais il permet aussi de donner du sens à notre vie. Il lui donne du sens, car nous avons besoin d'une occupation qui est utile pour nous et pour la société — et comme nous sommes contraints de travailler, nous cherchons des excuses pour le justifier.
Au-delà de ça, le travail est une source de souffrance. Peu importe le milieu social. Ce n'est pas pour rien qu'il y a eu une augmentation importante du nombre de burn-out au cours des dernières années.
L'origine du mot travail en dit long. Travail vient de Tripalium. Le tripalium était un instrument à trois pieux qui servait à immobiliser les animaux pour les ferrer, mais aussi à punir les esclaves. Le travail est par essence synonyme de souffrance. L'être humain s'impose de travailler. Des têtes hautes placées dans la hiérarchie sociale exploitent le capital humain pour s'enrichir, les têtes en bas de cette hiérarchie justifient ce travail soit par des raisons financières, soit en lui attribuant un sens. Mais pire que ça, le travail aliène l'homme[1] devenant la finalité d'une vie. Nous allons à l'école pour nous former à un emploi puis nous passons 40 ou 50 ans à travailler, après quoi, nous sommes à la retraite : une période entre la fin de carrière et la mort.
Hannah Arendt écrivait que par le travail, nous devenions de simples outils de production. Le prix Nobel de physique Jean Perrin va plus loin[2]. Il précise que les êtres humains ne peuvent utiliser leur plein potentiel intellectuel tant qu'ils sont soumis à une contrainte ; pour Perrin, cette contrainte c'est le travail dont parle Arendt et pour être libéré de cette contrainte, le physicien comptait sur les sciences. Aujourd'hui les sciences accomplissent leur travail, l'IA serait en passe de nous remplacer.
Ce n'est pas une coïncidence si nous voyons de plus en plus de personnes qui tendent à se libérer de ce travail par elles-mêmes et de se créer une activité rémunératrice qu'elles ne considèrent pas comme un travail ; automatisons les tâches ingrates, déléguons-le à l'IA et faisons ce qui nous plaît. En 1828, Théophile Gautier l'avait déjà compris :
« L'humanité s'émancipe peu à peu. Bientôt, l'ouvrier sera affranchi de lui-même. Mais voici qu'un esclave nouveau va le remplacer près de ce dur maître. Un esclave qui peut haleter, suer et geindre, marteler jour et nuit dans la flamme sans qu'on ait pitié de lui. Ses bras de fer remplaceront les frêles bras de l'homme. Les machines feront désormais toutes les besognes pénibles ennuyeuses et répugnantes. »
Et d'y ajouter qu'une fois cette émancipation réalisée, nous pourrons enfin prendre le temps de cultiver notre esprit.
Néanmoins, il va falloir attendre des dizaines années, peut-être plus, avant de voir des robots dopés à l'IA nous remplacer dans l'ensemble de nos métiers. Est-ce là que l'utopie d'une vie sans travail prend fin ? Pas tout à fait. Nous pouvons prendre de l'avance sur cette période à venir et nous créer nos propres activités rémunératrices qui allient à la fois plaisir et développement intellectuel. Une activité qui nous permet d'être payés pour nos connaissances.
Nous vivons dans une économie appelée « L'économie du créateur »[3]. C'est cette économie qui permettra de faire la transition au fur et à mesure des années. Une économie qui permet de passer du statut de travailleur à créateur. Nous avons la possibilité de créer du contenu et d'être rémunéré en échange de produits ou services associés, mais pour ça, encore faut-il se démarquer par son contenu. C'est là qu'intervient la nécessité de développer son intellect — en apprenant à mieux lire, mieux écrire, mieux penser et même à mieux apprendre, nous arriverons à créer du contenu qui soit différenciable et unique, et à développer nos connaissances dans des domaines annexes comme le marketing ou la création de produit.
L'économie du créateur, et la création d'activité qui en découle, permet de s'aligner avec nos propres envies. Nos créations évoluent en même temps que nous — que nous soyons passionnés de programmation, de littérature, de tricot ou de pêche à la ligne, l'objectif est de créer une activité à notre image et de fédérer des personnes qui nous ressemblent autour de notre projet.
La peur de l'IA, la peur qu'elle nous remplace dans nos emplois, est aussi une excuse pour ne pas prendre sa vie en main et créer celle que nous souhaitons réellement vivre. Alors arrêtons les excuses, et prenons notre destin en main.
Merci de m’avoir lu,
Damien
Références :
[1] Hannah Arendt (1958) “La condition humaine”
[2] Gérald Bronner (2021) “Apocalyspe Cognitive”
[3] Dan Koe, “Self Improvers Are Creating Their Own Careers (The New Economy)”
S'il aura une I.A. dans le futur, ce n'est gagnant. Et même s'il existera, elle ne prendra pas intégralement nos boulots. À cause de https://www.angelogeorgedecripte.blog/post/intelligence-de-l-i-a-realite-ou-illusion
https://www.angelogeorgedecripte.blog/post/artificial-intelligence-dream-nightmare-or-scam